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Bien que nous fussions encore à douze ou quinze marches du lac, son influence se faisait déjà sentir. Les jungles devenaient plus épaisses et l’herbe d’une hauteur énorme ; elles nous rappelaient la végétation exubérante du Couéré et du Cami, dans le voisinage de l’océan Indien.

Entre Mouéra et Mréra, nous aperçûmes, dans un étroit marécage, une petite bande d’éléphants. C’était la première fois que je voyais ces colosses dans leurs solitudes natales ; je n’oublierai pas de longtemps l’impression qu’ils me causèrent. Depuis lors, je tiens l’éléphant pour le roi des animaux. Ses énormes dimensions, la majesté avec laquelle il regarde l’intrus qui met le pied dans ses États et la conscience de sa force qui éclate dans tout son aspect lui donnent, plus qu’à tout autre, le droit de réclamer ce titre.

La bande se trouvait à un kilomètre et demi du point où nous passions ; elle s’arrêta pour nous regarder ; puis elle se remit en marche, et entra dans la forêt d’un air indifférent, comme si une caravane était à ses yeux chose de peu d’importance. Que pouvaient être, en effet, pour ces libres seigneurs des bois, pour ces colosses formidables, une file de pygmées qui n’auraient pas eu le courage de les affronter dans une rencontre loyale ?

Le dégât qu’une troupe de ces animaux fait dans la forêt est tout simplement effrayant. Dans les endroits où les arbres sont jeunes, ils les déracinent et les jettent, par andains, comme des tas d’herbes couchés par le faucheur, au bord de la route frayée par la bande à travers le fourré.