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MAROUSSIA

— Dans les meilleurs champs on trouve un brin d’ivraie, reprit vivement Danilo ; le froment en est-il moins bon pour cela ?

— Non, assurément, dit Vorochilo. Il y a cependant quelque chose à considérer.

— Dites laquelle, répondit le voyageur.

— C’est qu’on ne distingue pas toujours le bon grain du mauvais. Celui qui porte capuce noire n’est pas toujours moine.

— Le bon pâtre reconnaît ses brebis, même sous la peau du loup ! » répliqua l’étranger.

Il se fit un silence ; on se regarda une fois encore. On s’était compris ; les paroles devinrent inutiles.

« Frères, salut ! dit le voyageur. Ceux de la Setch vous présentent respect et amitié. Je suis leur envoyé. Je vais à Tchiguirine.

— Nous sommes à vos ordres ; nous sommes vos amis, dirent les trois Ukrainiens.

— Qu’avez-vous à m’apprendre ? que savez-vous ? que se passe-t-il autour de vous ? demanda l’envoyé de la Setch.

— Rien de bon, répondit Danilo ; l’un s’est lié d’amitié avec les Moscovites ; l’autre, après avoir invité les Turcs à venir à son aide, est peut-être, dans ce moment même, en pourparler avec la Pologne.

— Cela n’est que trop vrai ! dirent les deux amis de Danilo, et leurs mâles visages exprimaient une douleur profonde.