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MAROUSSIA

La beauté n’est pas une rareté en Ukraine : pourtant le voyageur qui venait d’entrer aurait difficilement trouvé son égal.

Son visage était un de ces nobles visages sur lesquels les regards les plus insouciants s’arrêtent avec un sentiment soudain de respect. Chacun est obligé de se dire en les regardant : « Cet homme doit être un homme entre tous les hommes. » Sa haute taille était élégante et souple. Toute sa personne respirait le calme et la force ; mais jamais diamants, étoiles ou éclairs, n’eurent tant d’éclat que les yeux noirs qui répandaient autour de lui la lumière.

Maître Danilo et ses amis furent frappés de tout cela ; mais les Ukrainiens savent garder leurs impressions pour eux-mêmes, et ils n’en firent rien voir. Ils reçurent le voyageur comme tout voyageur doit être reçu dans une honnête maison, avec cordialité et prévenance. On le plaça près d’une table, et on s’empressa de lui offrir quelques rafraîchissements.

Le voyageur se montra simple, modeste, poli et réservé. Étant un inconnu et n’ayant par conséquent aucun droit à l’intérêt particulier de ses hôtes et de leurs amis, il ne cherchait point à se faire valoir. Il ne racontait pas, comme d’autres eussent pu le faire, ses aventures. Il ne crut pas devoir faire part à des étrangers de ses projets, s’il en avait. Il ne jetait de regards indiscrets ni sur les choses, ni sur les gens. Il ne questionnait pas, il répondait et en peu de mots.