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MAROUSSIA

résister à un assaut ? Les défenseurs étaient-ils solides ? Si on relisait la dernière proclamation du chef ? Quelques-uns ne la connaissaient pas. Savait-on s’il se présentait beaucoup de volontaires ? »

Andry Krouk, évidemment bien renseigné sur toutes ces choses, répondait très-couramment. Il décrivait les remparts de Tchiguirine, ses fossés, ses portes, ses tranchées, comme un homme qui a passé par là et vu tout cela plus d’une fois, et récemment encore.

Tandis que les hommes parlaient, les fuseaux s’arrêtaient, les femmes écoutaient anxieusement. Et quand les hommes se taisaient et fumaient, elles échangeaient à voix basse quelques paroles.

« Encore une bataille près de Vélika, disait l’une.

— Combien de tués ? demanda Moghila.

— On a incendié Terny ; les maisons ne sont plus que cendres, et le village Krinitza brûle encore.

— Savez-vous, dit une jeune fille, savez-vous si ?… »

Mais elle ne peut achever ; ses lèvres pâlissent, de grosses larmes voilent ses yeux, ses dents serrées par l’angoisse ne peuvent se rouvrir.

Une vieille femme, coiffée d’un mouchoir brun d’où s’échappaient des flots de beaux cheveux gris, au visage froid et rigide, dans lequel deux grands yeux noirs étincelaient comme des étoiles, dit :

« Les miens sont tous morts. Je suis seule au