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CONCLUSION

Pris entre le Romantisme et le Symbolisme, le Parnasse n’est pas écrasé, tant il est solide. Il résiste même à des critiques dont je reconnais pourtant la puissance. M. Maurras lui reproche de n’avoir pas eu même le simple talent, parce qu’il aurait manqué de génie : « le plus adroit mécanicien a besoin de la force de l’imagination et de la sensibilité. Il en faut, et beaucoup,… pour réussir quelque sonnet qui soit néanmoins un poème. Les Parnassiens manquent de ces dons essentiels[1] ». Pourtant il paraît difficile de refuser du génie à Baudelaire, à Leconte de Lisle, peut-être même à Verlaine et à France. L’argument ne vaut donc pas, pas plus que celui-ci : le Parnasse manquerait d’unité, politique ou sociale : « toutes les habiletés du monde… ne sauraient déguiser ici les symptômes flagrants du mal parnassien. Or, c’est le même mal qui sévit devant nous en morale et en politique, en philosophie sociale : cette impuissance à réduire les formes, les pensées, les visions, les rêves, à la loi d’aucune unité[2] ». À ce compte-là nous devrions condamner l’École Classique elle-même ; car à quel plus petit multiple commun pourrions-nous réduire Racine, Bossuet et La Fontaine ? Le Parnasse n’a ni système politique, ni doctrine religieuse, c’est vrai ; mais il a tout de même son unité artistique, car il a prêché et réalisé la perfection du grand vers ; c’est parce qu’il a forgé et trempé à nouveau l’alexandrin que, récemment, on a pu célébrer la gloire de la versification traditionnelle[3]. Grâce au Parnasse, les esprits les plus affranchis de toute règle sentent une force obscure les ramener à la régularité : Mme de Noailles a beau dire qu’elle a, dès treize ans, rejeté toutes les entraves classiques, et qu’elle

  1. Barbarie et Poésie, p. 166.
  2. Id., ibid., p. 6-7.
  3. André Dumas, Figaro littéraire du 31 octobre 1925.