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LE PARNASSE

Prudhomme le seul Zénith, on publie vingt-cinq sonnets de Heredia. Et puis, c’est le triomphe des Trophées.

Le livre paraît en 1893 ; il avait été commencé en 1863[1]. Il s’appelait d’abord Les Fleurs de Feu, comme le sonnet qui porte ce titre dans le volume, et qui devait être sans doute la pièce liminaire ; un volcan s’est éteint :


Pourtant, dernier effort de l’antique incendie,
On voit dans cette lave à peine refroidie,
Éclatant à travers les rocs pulvérisés,

Au milieu du feuillage aigu comme une lance,
Sur la tige de fer qui d’un seul jet s’élance,
S’épanouir la fleur des cactus embrasés[2].


Il en est ainsi du livre des Trophées qui éclate juste au moment où le mouvement parnassien s’arrête, et semble se figer. Coppée en salue l’apparition, et la valeur, avec une singulière clairvoyance : « Ce n’était pas trop de trente ans pour produire ce livre splendide comme un vitrail. Car non seulement chacun de vos sonnets… est un chef-d’œuvre, mais leur ensemble présente une composition qui, pour n’avoir pas été cherchée, n’en est pas moins harmonieuse. Les Trophées, c’est une sorte de Légende des Siècles en sonnets[3] ». On pourrait tout aussi bien dire que c’est un complément à la Légende, pour l’Hellénisme.

C’est grâce à Louis Ménard que Heredia parvient à se familiariser avec le génie grec. Les autres parnassiens reçoivent l’enseignement de Ménard par le canal de Leconte de Lisle[4] ; Heredia est l’élève immédiat de l’helléniste, et nous fait un tableau vivant de cet enseignement : « Ménard prenait un vieil in-folio à la reliure xâtiguée, Homère, Anacréon, Théocrite, ou Porphyre, et traduisait. Aucune difficulté de texte ne pouvait l’arrêter, et sa voix exprimait une passion telle que je n’en ai jamais connue chez aucun autre homme de notre génération. La vue seule des caractères grecs le transportait ; à la lecture il était visible qu’il s’animait intérieurement ; au commentaire, c’était un enthousiasme. Sa face noble s’illuminait[5] ».

  1. J. Madeleine, Revue, 1912, p. 416 sqq. ; 1913, p. 198 sqq.
  2. Parnasse de 1866, p. 13.
  3. P. p. Monval, Correspondant du 25 janvier 1924, p. 330.
  4. Heredia, Le Tombeau de Louis Ménard, p. 28 ; R. Thauziès, Revue des Langues romanes, LIII, 461, 463-464 ; LIV, 37 sqq. ; Ibrovac, p. 243.
  5. Heredia, dans Le Tombeau de Ménard, p. 25-26 ; cf. Barrès, R. D. D.-M., 15 novembre 1905, p. 245-246.