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LE PARNASSE

Elle a de lourds pendants d’oreille copiés Sur les feux des soleils du ciel (?) et sur ses pieds Mille escarboucles font pâlir le jour livide (?)… </poem>

Le plus coloriste des peintres pourrait-il peindre tout ce clinquant, tout ce strass ? N’importe, ce tire l’œil ne déplaît pas au public. La dernière livraison sauve le livre. Si ce n’est pas un succès d’argent, c’est une excellente réclame. Elle profite même à l’éditeur, car, dit Catulle Mendès, Lemerre n’eût pas vendu vingt mille Rabelais s’il n’eût tiré le Parnasse à cinq cents[1]. Les Parnassiens n’y perdaient pas non plus : malgré ce nombre infime d’exemplaires, ils avaient gagné la partie devant la galerie.

Le premier Parnasse conquit à la nouvelle troupe un de ses meilleurs soldats : il y avait alors un jeune étudiant breton qui lisait Hugo, Musset, Lamartine, Vigny, un peu Gautier, et qui faisait des vers comme tant d’autres, quand, en 1867, un de ses amis lui prêta son exemplaire : ce fut pour Frédéric Plessis une révélation, et cela valut aux Parnassiens une précieuse recrue. En même temps, ils commençaient la conquête de la foule ; écoutons Verlaine : « l’esprit public, dit-il dans ses Mémoires d’un Veuf, a, du moins de nos jours, plus d’ouvertures et d’aperçus sur l’art de lire les vers ; il en sait le nombre, la musique, et distingue presque toujours les mauvais versificateurs des bons… Il suit de là que le goût du Beau, dans la seule partie du public dont le poète puisse avoir cure, s’est anobli… Or, il est impossible de nier que les jeunes poètes du premier Parnasse aient seuls créé, autant par une fraternelle association d’un jour de rude vaillance que par leurs travaux subséquents, la salutaire agitation d’où est résulté l’heureux, le bierifaisant changement que je viens de rappeler[2] ».


  1. La Légende du Parnasse, p. 238-239.
  2. Œuvres, IV, 291.