et même les préjugés ; il méprise les Lamartiniens[1]. Il est si bon parnassien qu’il recrute pour l’École : il écrit lettres sur lettres à Mme Adam, et la conquiert si bien qu’elle fait à son tour de la propagande pour le Parnasse[2]. Il aime Alphonse Lemerre parce qu’il édite les disciples de Leconte de Lisle, qu’il les soutient, qu’il leur reste fidèle[3].
Il enseigne, sinon le grec, du moins l’hellénisme aux Parnassiens[4]. Ses élèves sont de vrais séides[5]. Banville lui-même s’incline devant lui, et salue le savant mythographe[6]. Anatole France lui témoigne son admiration à sa manière, en s’inspirant, dans sa Thaïs, de l’Ermitage de Saint-Hilarion[7]. Quelques-uns de ses disciples ont plus de bonne volonté que d’aptitude[8]. D’autres se dérobent quand le professeur tourne au grand prêtre, et veut les convertir : un jour que Ménard avait eu l’idée étrange de renouveler, sérieusement, une plaisanterie de Ronsard, et d’immoler des colombes à Vénus, Heredia, qui est catholique, refuse de manger sa part du sacrifice ; il ne pousse pas, lui, l’hellénisme jusqu’au paganisme, et il s’en tire par une plaisanterie : — je n’aime pas le pigeon[9].
Ménard rit de la riposte, car il est bon camarade. Aussi, lui fait-on une belle place au Parnasse de 1866 ; il y publie six sonnets « mystiques », d’une forme impeccable, qui lui valent une citation flatteuse dans le Rapport de Théophile Gautier[10]. Ils ont été tous reproduits dans les Rêveries où il est facile de les retrouver, sauf un seul, Ennui, qu’il avait d’abord intitulé Érinnyes, et que voici : il songe que la joie-est une illusion, et se paie ; que nous devons, après une joie, accepter l’expiation que la providence nous impose comme compensation :
… Les stériles regrets, la menteuse espérance
N’atteignent pas la pure et calme région
Où le sage s’endort, libre de passion,
Dans la sereine paix de son intelligence.
- ↑ Calmettes, p. 69.
- ↑ Mme Adam, Mes Sentiments, p. 104, 106.
- ↑ Mme Adam, ibid., p. 341.
- ↑ Ricard, Le Petit Temps, 2 juillet 1899 ; cf. Heredia, dans Le Tombeau de Louis Ménard, p. 26-28.
- ↑ Calmettes, p. 276.
- ↑ Les Cariatides, p. 280.
- ↑ P. Berthelot, L. Ménard, p. 23, 115 sqq.
- ↑ Ricard, Revue (des Revues), Ier février 1902, p. 305.
- ↑ Berthelot, Ménard, p. 2.
- ↑ Rapport, p. 360-361.