Page:Souriau - Histoire du Parnasse, 1929.djvu/196

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
132
HISTOIRE DU PARNASSE

Cette inoubliable suite de Contes Épiques qui sont de vrais chefsd’œuvre de composition, de fermeté, et de pureté de langue ! Catulle Mendès, autant que les plus illustres de ses contemporains, ne vous fait-il pas ressentir toutes les douloureuses impressions de l’âme moderne, toutes les nostalgies des Soirs moroses, qui nous poursuivent de leur charme indéfinissable et maladif ? N’a-t-il pas poussé de ces grands cris qui retentissent longuement dans votre cœur… Dans ses innombrables sonnets, ne vous a-t-il pas ébloui par les enluminures de sa fantaisie, par le précieux fini de ses strophes ?… Oui, il faut le dire bien haut, après les glorieux maîtres qu’il a vénérés, l’auteur des Contes Épiques a des émules, mais aucun ne lui est supérieur[1] ».

C’est bien l’impression que donnent les envois de Mendès aux trois Parnasses. Dès le premier tome, celui de 1866, il donne un chef-d’œuvre de virtuosité parnassienne, L’Absente :


C’est une chambre où tout languit et s’effémine ;
L’or blême et chaud du soir, qu’émousse la persienne,
D’un ton de vieil ivoire ou de guipure ancienne
Apaise l’éclat dur d’un blanc tapis d’hermine.

Plein de la voix mêlée autrefois à la sienne,
Et triste, un clavecin d’ébène, que domine
Une coupe où se meurt, tendre, une balsamine,
Pleure les doigts défunts de la musicienne.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Devant la glace, auprès d’une veilleuse éteinte,

Bat le pouls d’une blanche horloge en porcelaine,
Et le clavecin noir gémit, quand l’heure tinte.


Comme forme, c’est très curieux : le premier vers indique la recherche d’art :


C’est une chambre où tout languit et s’effémine…


et, en effet, les rimes elles-mêmes sont uniquement féminines. Un ennemi de Mendès dirait que c’est une mièvrerie : soit, c’est un bijou en filigrane, mais c’est un bijou. On peut ne pas aimer Mendès, ne pas l’estimer même, mais il faut reconnaître qu’il a un talent de premier ordre, et aussi qu’il sait fort habilement le mettre en valeur : disposant de la mise en pages du volume, il a l’idée ingénieuse, au Parnasse de 1869, de mettre son envoi entre Charles

  1. Annales, ibid.