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VERS LE PARNASSE

habile est bien maladroit[1] ». Leconte de Lisle a deviné le double jeu de Catulle : tout en couvrant le « maître » d’éloges enthousiastes, il travaille à le mettre hors de cour, car il le range avec Banville et Baudelaire, parmi les trois grands poètes qui, quand ils sont au Parnasse, ne sont pas chez eux, mais simplement en visite : « dans la hauteur sublime de ses rêves, dans la fierté de son pur génie, Leconte de Lisle, plus illustre que célèbre (?), planait, n’interrogeant qu’Homère ou Hésiode évoqués sur la beauté de ses Poèmes antiques[2] ». Qui se douterait qu’il s’agit ici du vrai maître du Parnasse ? Il y a là un effort obstiné pour le diminuer en le logeant au plafond. Ailleurs, quand Mendès veut voir dans Théodore de Banville « le plus grand des poètes lyriques de la France », ce n’est pas Hugo qu’il prétend détrôner[3].

Mais enfin, malgré sa grandeur, L. de Lisle n’est pas à lui seul toute la poésie de la seconde moitié du siècle. À côté de lui on peut se faire une place. Quelle est celle de Mendès au Parnasse, et en particulier à ce Parnasse contemporain que, nous le verrons, il a créé avec Ricard ? Au Parnasse, il a des camarades et des admirateurs. Mallarmé loue très fort sa pensée, sa force de jugement ; comme critique dramatique il le met sur le même pied que les maîtres du genre, Gautier, Janin, Paul de Saint-Victor[4]. Dierx en fait un disciple sans doute, mais le plus habile des disciples, « le plus artiste des poètes qui ont eu le magnifique enseignement de Leconte de Lisle…[5] » Il lui reconnaît le don des trouvailles de rythmes ; dès Philomela, dans la pièce liminaire, il crée, dit Dierx, un rythme nouveau et charmant : « on dira le treizain de Catulle Mendès ». On ne l’a pas dit encore, et on ne le dira probablement jamais, car les deux « treizains » qui servent de prologue et d’épilogue à Philomela n’ont rien qui frappe et qui retienne l’esprit ; mais on sent chez Dierx une amitié violente pour Mendès ; cela fait honneur à la candeur de Dierx, et il en faut tenir compte à Mendès. Il est bon de connaître l’éloge funèbre que Dierx lui a décerné, pour faire contre-poids à tant de mépris témoignés à Catulle : « Grand poète ! Pourquoi ne pas oser le dire tout de suite ?…

  1. P. p. Ibrovac, p. 566.
  2. La Légende du Parnasse, p. 36.
  3. La Maison de la Vieille, p. 342.
  4. Divagations, p. 372.
  5. Annales du 14 février 1909, p. 156.