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Élus, pour qui l’exil ne dura pas une heure,
Qui sont victorieux sans avoir combattu,
Et pour qui l’innocence est plus que la vertu !
Dont le pied rose et nu n’a pas touché nos fanges,
Qui ne sont pas des saints, qui ne sont pas des anges,
Qui n’ont pas dit : Ma mère ! à leurs mères en deuil,
Et n’ont à leur amour demandé qu’un cercueil !
Sous les arbres de nard, d’aloès et de baume,
Chaque souffle de l’air, dans ce flottant royaume,
Est un enfant qui vole, un enfant qui sourit
Au doux lait virginal dont le flot le nourrit ;
Un enfant chaque fleur de la sainte corbeille ;
Chaque étoile un enfant, un enfant chaque abeille.
Le fleuve y vient baigner leurs groupes triomphants ;
L’horizon s’y déroule en nuages d’enfants,
Plus beaux que tout l’éclat des vapeurs fantastiques
Dont le couchant superbe enflamme ses portiques.
Là, sous les grands rosiers, ils tiennent lieu d’oiseaux,
Quand le zéphir d’Éden balance leurs berceaux ;
Et que leur tête blonde et charmante et sereine
Se tourne avec orgueil du côté de la reine.
Car la reine est leur mère ; oui, celle que leurs yeux,
En se fermant au jour, ont rencontrée aux cieux.
Mais, lorsque vient à vous, enfants ! cette autre mère
A qui votre naissance ici-bas fut amère,
Pour que son pauvre cœur cesse d’être jaloux,
Votre front caressé s’endort sur ses genoux.
Sous ses baisers heureux votre bouche se pose,
Votre béatitude entre ses bras repose,
Et, même au Paradis, rien n’est plus gracieux,
Que ce tableau d’amour chaste et silencieux.