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— Le sang coule ! — Ce cri, comme un coup de tonnerre,
Comme l’immense choc de mille chars de guerre,
Comme un fleuve heurté, comme le vol bruyant
Des mondes déréglés dans l’éther tournoyant,
Éclate ; et Lucifer revient, l’aile épuisée,
Recueillir, haletant, la sanglante rosée.

Les peuples stygiens, dans ce cri si puissant,
De leur premier monarque ont reconnu l’accent.
A sa tutelle encor leur foule se confie :
Ceux même qui, jadis, contempteurs de la vie,
A son banquet brillant, pleins d’un mépris moqueur,
Rejetèrent la coupe en goûtant la liqueur,
Et qui dans les enfers, pour ce forfait suprême,
De la mort qu’ils aimaient, sont devenus l’emblème :
Squelettes tout blanchis, cloués sur un rocher
Dont les plus noirs démons n’osent pas approcher ;
Unis étroitement au granit qui les dompte,
Comme ces vieux débris d’élans, de mastodonte,
Restes pétrifiés des âges révolus,
Ossuaire éternel d’un monde qui n’est plus ;
Ceux-là même, arrachant du bloc qui fut leur bière
Leur supplice incrusté dans l’immobile pierre,
Se cherchant par milliers, s’assemblant, se dressant,
S’avancent, à leur tour, au baptême du sang,
La pâle mort conduit ces peuples de squelettes,
Disciples sans regard, processions muettes,
Qui frappent lentement les sentiers calcinés,
Du grêle cliquetis de leurs pas décharnés.

Et les deux beaux enfants, sous le cercle céleste,
Diadème de noce à leur doux front modeste,