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Pesait sur Lucifer, orageuse prison,
Ayant de toutes parts la nuit pour horizon :
Désert immense et nu, solitude de pierre,
Telle qu’il la fallait à Satan solitaire.
Il était là, ce roi de son trône arraché,
Comme dans un cercueil dans ses remords couché ;
Vieilli de lassitude et rongé d’anathème ;
Exilé de sa pourpre et non pas de lui-même ;
Ne voyant, n’entendant, ne respirant que soi ;
Se créant un enfer à part pour être roi !
Enfer plus sombre encor que la nuit éternelle,
Creusé par sa pensée et sans bornes comme elle ;
Enfer assez peuplé par un seul habitant,
Tout vide de bûchers, mais tout plein de Satan.
Il remonte en esprit, dans cette ombre profonde,
Le cours de ses destins où se noya le monde.
Le flot lourd du passé bat son front caverneux ;
L’hydre des souvenirs le presse de ses nœuds ;
L’hydre des souvenirs, se levant tout entière,
Hérisse d’aiguillons son dur chevet de pierre.
Embrassant d’un regard tous les maux qu’il porta,
Ces fruits toujours vivants dont pas un n’avorta,
Au fond du désespoir sa chute se consomme ;
Vaincu par le Très-Haut, par lui-même, par l’homme,
Captif et gémissant dans l’oubli de la mort,
Sans combler de ses pleurs le gouffre du remord,
Sans apaiser cette âme où tant d’horreur habite,
Ce cœur où des tourments l’éternité palpite.

Jamais Idaméel, depuis qu’en se jouant
Il avait couché là le réprouvé géant,
De son rival tombé ne vint visiter l’ombre :