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« S’étonnant d’y trouver les vœux, l’orgueil, l’erreur,
« Dont il l’avait pétri dans un jour de fureur.
« Il nous tendait la coupe où la raison s’enivre ;
« Ensuite, d’un œil sombre, il nous regardait vivre,
« Et sous l’enchantement du festin préparé,
« Le piège s’entr’ouvrait formidable et doré.
« Et les enfants chéris de ce maître farouche,
« Balbutiant son nom qui leur brûlait la bouche,
« Découragés, vaincus, tout meurtris de leurs fers,
« De ses bras paternels passaient dans les enfers.
« Comme un gladiateur de la Gaule ou de Thrace,
« Qui venait sur l’arène expirer avec grâce,
« L’homme devait souffrir, calme et sans reculer,
« Et sourire à son sang en le voyant couler ;
« Il devait, sans trouver de voix qui lui réponde,
« Saluer en tombant le grand César du monde.
« O démence ! ô malheur ! sombre dérision !
« Pesant de toutes parts sur sa création,
« Dieu s’efforçait du haut de son trône insensible,
« En donnant l’existence, à la rendre impossible.
« Quand nos espoirs ouvraient leurs vols démesurés
« Vers le charme idéal des amours éthérés,
« Sa main nous ramenant sous l’immuable règle,
« Au rocher du réel clouait nos ailes d’aigle.
« Pour offrir le bonheur à l’homme combattu,
« Le crime était stérile, autant que la vertu.
« Nulle chance pour nous dans l’urne aléatoire !
« Nous portions comme un deuil le manteau de la gloire !
« Le but que nous touchions éteignait le désir ;
« Le fruit glaçait la main qui le venait saisir.
« Et comme Isis en proie au regret qui la navre,
« Nous consumions nos jours à chercher un cadavre.