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M’ont crié : — Jette aux vents le serment qui l’enchaîne ;
Qu’importe de son dieu le stérile courroux,
Quand c’est un autre dieu qu’elle prend pour époux. —
Mon peuple attend ; mes bras sont ouverts… qu’elle y tombe !
Neuf soleils de son père ont éclairé la tombe,
Et prolongeant pour lui le culte des douleurs,
Toute son âme encore appartient à ses pleurs.
Ne troublons pas le deuil de la douce orpheline.
Au tombeau paternel, alors qu’elle s’incline,
J’entends sa voix gémir et murmurer tout bas,
De ces mots qui pourraient réveiller du trépas :
« Père, père, pourquoi m’a voir abandonnée ?
« Tu me disais : — Devant la suprême journée
« Qui doit voir pour jamais se coucher le soleil,
« Le père et les enfants ont un âge pareil.
« Dieu ne nous punit point, ma fille, il nous rassemble,
« Sous l’aile de la mort il nous abrite ensemble ;
« Et c’est un grand bienfait du monde à son déclin,
« De ne laisser du moins nul enfant orphelin. —
« Tu le disais, mon père, et pourtant je te pleure !
n Je perds la seule grâce attachée à cette heure ;
« Dieu me laisse des jours pour attendre et souffrir :
« Que ce monde désert est longtemps à mourir !

« J’accepte pour toujours, languissante et fanée !
« Ce long sommeil du cœur où tu m’as condamnée ;
« Je ne serai point mère, et mon vœu me défend
« De rattacher ma vie au berceau d’un enfant.
« Je cueillerai les fleurs qui croissent sur les tombes.
« J’enseignerai ma plainte aux petits des colombes ;
« Et mes pieds douloureux, mes pieds décolorés