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« Le lieu des souvenirs garde notre vertu.
« Pleure, pleure, rends-moi, comme une sainte femme,
« Pour le sang de ma chair tout le sang de ton âme ;
« Et si jamais celui qu’a proscrit le Seigneur
« Venait de mon cercueil tenter le déshonneur,
« S’il osait, aux lieux même où son crime s’expie,
« Entre un serment et toi mettre un amour impie,
« Songe au vœu prononcé ; ton cœur doit rester seul ;
« Pour ton voile d’hymen ne prends pas mon linceul ! »

Sémida répondit… « Dans la triste vallée,
« Je veux, comme Rachel, n’être pas consolée :
« Je garderai mon cœur comme elle, et désormais
« J’aimerai la douleur autant que je t’aimais ;
« On entendra toujours, à genoux sur la pierre,
« Le souvenir des morts pleurer dans ma prière.
« Et je ne permettrai, père, en mon chaste effroi,
« Qu’à mon ange gardien de me parler de toi !
« Et lui seul, de mon front soulèvera les voiles
« Pour t’amener ta fille au séjour des étoiles. »
Et la voix du vieillard dans un dernier effort
Soupira… « Mon amour a retardé ma mort.
« L’ange qui m’appelait de ma lenteur s’irrite ;
« J’ai fait attendre Dieu pour te quitter moins vite… »
Avec ces mots l’esprit du cadavre sortit,
Et des cris de l’enfant la grotte retentit…

Je contemplais la mort…. mais sur le groupe sombre,
Voilà qu’une blancheur sortant du sein de l’ombre,
Apparaît grandissant, remplissant par degré
Toute l’immense nuit de l’antre consacré.
Je crois quelques instants, aux feux dont elle brille,