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« Colombe de l’Arar que je n’ose adorer,
« Laisse au front réprouvé le fardeau de ses haines :
« Le vol de ton bonheur s’embarrasse en mes chaînes.
« N’écoute point ma voix, baisse ton œil d’azur ;
« L’aube de ta jeunesse annonce un jour si pur !
« Ton nom serein doit-il se mêler à mes fastes ?
« Chaste entre tous les fronts que les anges font chastes,
« Laisse-moi fuir, adieu, mon sort n’est pas le tien :
« On sent mourir son cœur en s’attachant au mien.
« Lierre compatissant dont la pitié m’abrite,
« Jette ailleurs tes rameaux la ruine est maudite.
« Tout me devient fatal, l’ombre, le jour, la fleur ;
« Un lys a des parfums d’où j’extrais le malheur.
« Et je souffre, et pour tous élargissant ma tombe,
« Lorsque j’ouvre la main, une infortune en tombe.
« — Si jeune, quelle voix vous fit haïr le ciel ?
« — La voix qui me donna le nom d’Idaméel,
« Le juif d’Éléphanta : j’ai vu sous un tel maître,
« Dans l’âme de Judas l’univers m’apparaître.
« Et j’ai seul aspiré, comme un souffle de feu,
« Cette âme déicide en son dernier adieu.
« — Au rang de ses fils Dieu peut encor vous élire ;
« Voulez-vous dans sa loi qu’on vous apprenne à lire ?
« —Qu’y lisez-vous, enfant ? —Les noms des bienheureux,
« Sous le rayon sacré qui s’allume pour eux.
« — Avez-vous vu briller, parmi ceux de notre âge,
« Le nom d’Idaméel sur la dernière page ? »
Elle me répondit alors, le front baissé :
« — Je n’ai pas lu depuis qu’il me fut prononcé.
« Comme un orage émeut la fleur dans sa corolle,
« Mon âme, Idaméel, tremble à votre parole,
« Mais ne se ferme point : que ferais-je ici-bas,