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« Des jours que Dieu nous laisse à passer loin de lui.
« Nous avons tous, mon fils, le même âge aujourd’hui.
« La fin du monde est proche et la mort nous regarde.
« L’Arar, mont du salut, fut placé sous ma garde ;
« Il cache à son sommet un trésor précieux
« Que l’ange au dernier jour doit transporter aux cieux :
« Antique monument qu’en vain l’orage assiège,
« Comme une fleur d’hiver, conservé sous la neige.
« L’arche sainte à ses pieds toute moisson revit.
« Je suis Cléophanor du pur sang de David.
« Et quand la glèbe meurt sous le soc inutile,
« Le champ que je cultive est encore fertile.
« Reste ; le dernier jour ensemble nous prendra,
« Et pour monter à Dieu ma voix te bénira. »

Cette tente au soleil qui s’ouvrait fraternelle,
Parlant à l’orphelin cette voix paternelle ;
Ces mots mystérieux, oracle triste et doux,
Tout me fit lui répondre : « Oui, je reste avec vous ;
« Voyageur lamentable aux derniers jours du monde,
« En vain j’ai remué la poussière inféconde
« Qui recouvre ce globe ainsi qu’un froid linceul :
« J’ai traversé la terre et suis demeuré seul.
« — Mon fils, n’as-tu pas vu partout où l’homme tombe,
« L’ombre immense de Dieu s’étendre sur sa tombe ?
« —Je n’adore pas Dieu. —Ton cœur l’adorera :
« S’il n’est pour toi qu’un nom, ce nom s’expliquera. »
Un sourire d’orgueil sur ma lèvre muette
Glaça la foi brûlante aux lèvres du prophète :
Il pencha son grand front de cheveux dépouillé,
Sanctuaire que rien d’humain n’avait souillé,
Et qui semblait porter, magnifique parure,