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Le front des bois sembla rejeter son suaire :
On eût dit que la vie avait un sanctuaire.
Un trône inaccessible aux pas rongeurs du temps ;
Le soleil fatigué se souvint du printemps.

Bords ombragés du Tigre, Arménie, Arménie !
Pays qu’Eve adopta quand l’Éden l’eut bannie ;
Flancs sacrés de l’Arar, où la fleur reverdit,
Montagne du salut, voici l’homme maudit !
En vain ton front s’élève au faîte de l’espace,
L’orgueil d’Idaméel en hauteur te dépasse.

Or, au pied du vieux mont que le ciel préférait,
Du côté d’Orient une tente s’ouvrait ;
Le printemps à l’entour ondoyait pour revivre :
C’était l’amra pourpré, dont le nom seul enivre ;
C’était de hauts palmiers sur la tente aux longs plis ;
Les baisers du couchant sur le beau sein des lys,
Des cèdres, dans la nue allant cacher leur tête,
Et révélant que là s’abritait un prophète,
Peut-être le dernier de ces hommes de Dieu
Que le ciel à la terre envoyait en adieu.
Je me sentis au cœur saisi d’un trouble étrange ;
Élève des enfers, si j’allais voir un ange !
Un ange, seul esprit qui ne me connût pas.
De la tente déjà je détournais mes pas,
Lorsque, sous un grand chêne, au vêtement de lierre,
Un vieillard m’apparut et dit : — « Hospitalière
« Te sera ma demeure au pied du mont Arar ;
« Des biens que le ciel donne on t’y fera ta part ;
« Tu trouveras ici de l’air, des fruits, de l’ombre,
« Assez pour achever en paix le petit nombre