Page:Soumet - La Divine Épopée, 1841.djvu/186

Cette page n’a pas encore été corrigée

Cesserait d’attrister les rayons du soleil.

O puissant Prométhée, ô Titan solitaire,
Sublime révolté, Lucifer de la terre,
Toi que l’on méconnut et que l’on insulta
En rattachant ta chaîne aux clous du Golgotha,
Toi qui ne fus compris que par le seul Eschyle ;
Car, comme toi, sa lyre eût animé l’argile.
En Titan poétique, il peignit tes tourments,
Il trempa dans ses feux tes fiers ressentiments,
Et, pour pouvoir répondre à la foudre elle-même,
Sur ta lèvre d’airain il forgea le blasphème.
Ton Caucase illustré par ce chant solennel
Dressa contre l’Olympe un sarcasme éternel,
Et nourrit de ton sang, dans la lutte terrible,
Les Dieux représentés par ton vautour horrible.
Que tu me parais grand sous leur ongle abattu !
Que ton crime sauveur fait honte à la vertu !
Je ne sais quel instinct vers ta chute m’attire ;
Comment escalader le roc de ton martyre !
Mes rêves sont remplis du long bruit de tes fers ;
Si par un bec rongeur tes flancs furent ouverts,
Le désespoir en moi promène ses tenailles ;
Sans avoir ta grandeur j’ai déjà tes entrailles.
Et je sens à mon cœur un monstre s’enlacer
Que les flèches d’Hercule auraient peine à percer.
O frère ! en quelque lieu que ta force réside,
S’il est vrai que tu fus délivré par Alcide,
Une autre argile attend… Viens, viens te joindre à moi,
Regarde…. la statue est plus digne de toi :
C’est la terre qui meurt, sans flamme, inhabitée,
Et sa voix maternelle appelle Prométhée.