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Et, pour prouver de Job les vertus qu’il atteste,
Sa main, sur un fumier, jette l’enjeu céleste.
Job attache à ses reins sa ceinture de maux ;
Sa plainte fait gémir la moelle de nos os,
Et la lèpre, à ses flancs, remplaçant l’Éuménide,
Il égale en sanglots l’aveugle parricide.
Oui, ces deux grands vieillards, pour en ternir la fleur,
Ont fasciné le monde au regard du malheur.
L’infortune, comme eux, nous presse de sa serre,
Nous sommes labourés des vers de leur ulcère,
Et, d’un même ascendant subissant la rigueur,
L’ombre du Cythéron pèse sur notre cœur.

Le sort surtout, le sort offre avec ironie
La coupe des tourments aux lèvres du génie ;
Frappe ses plus grands coups loin des chemins frayés,
Et son regard se plaît aux beaux noms foudroyés.
On dressa, près du Nil, trois colosses de pierre :
Deux sont encor debout pour voir mourir la terre.
Mais celui qui semblait, en amant préféré,
Épouser la lumière à son réveil sacré ;
Celui qui, le matin, tout palpitant d’oracles,
Changeait l’âme d’un marbre en source de miracles,
Est couché dans le sable, et depuis bien des jours
Tombé sous un orage, il s’est tu pour toujours.

J’apportais à mon tour, sujet des lois communes,
Sous la céleste faux ma gerbe d’infortunes.
Pourquoi tant de souffrance, et pourquoi suis-je né !!!
Comprends-tu le malheur, toi qui nous l’as donné ?
Rien ne borne, dis-tu, ton essence suprême ;
Peux-tu, dieu tout-puissant, t’anéantir toi-même ?