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« Des fleurs, dis-je, des fleurs, pour mon festin joyeux ;
« Les campagnes de Rome attristeront nos yeux
« Demain ; n’épargnons pas le bouton près d’éclore.
« Couvrons d’un deuil royal tout l’empire de Flore ! »
Puis du salon doré je sortis en riant.
Le narcisse, le lys aimé de l’Orient,
Les œillets enflammés, l’orgueilleuse amaranthe,
Semblaient tomber du ciel en rosée odorante.
—Gloire, gloire à César qui nous fait d’heureux jours ! —
Le déluge de fleurs tombait, tombait toujours ;
Il tombait… l’assemblée à la fin s’épouvante
De ce plaisir nouveau que mon génie invente.
L’ivresse au front de feu s’interroge et pâlit :
— Des fleurs ! — Et secouant la pourpre de son lit,
N’aperçoit déjà plus sous leur chute ondoyante
L’hémicycle argenté de la table bruyante ;
Ni les trépieds d’agathe et d’or éblouissants,
Ni les vases pétris de cinname et d’encens.
On ne voit dominer dans la profonde salle
Que de Néron absent l’image colossale.
Ces fleurs, filles du jour, qui changent de destin,
Éteignent, dans leur vol, les flambeaux du festin ;
Et le laissent plongé dans une nuit profonde,
Premier aveuglement des.voluptés du monde.
On s’élance, on se dresse, et les jeunes Romains
Promènent sur les murs de convulsives mains.
L’or, le marbre, l’airain partout les environne ;
Le flot diapré monte et touche à leur couronne.
O plaisirs de Néron ! ô fête de douleurs !…
On s’embrasse en pleurant dans l’orage de fleurs !
A leurs sanglots, du lac gardé par les édiles,
Répond le cri plaintif des trois cents crocodiles ;