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Il s’écriait alors : — « L’infini n’est qu’un nom !
« Je suis la seule voix qui fait parler Memnon.
« Pourquoi prier, pourquoi, vous insensés, vous sages,
« Envoyer au néant vos éternels messages ?
« De tant d’astres épars Dieu n’est point le lien.
« Les cieux sont un rideau qui ne vous cache rien.
« Jamais rien de réel n’habita vos royaumes ;
« Vous n’avez en tout lieu que le choix des fantômes.
« Et cent mille autres sphinx, dont je deviens jaloux,
« Vous disent triomphants : — Mortels, que savez-vous ?
« Le doute est le seul dieu dont la voix leur réponde ;
« Car les vents du chaos ont soufflé sur le monde.
« O poètes ! pourquoi faire mentir vos vers ?
« Ce rêve tournoyant qu’on nomme l’univers,
« Vous parle mon langage, et sa grande ombre errante
« Attache à tous les cœurs l’énigme dévorante.
« Assemblage confus d’atomes imparfaits,-
« Cet enfant du hasard en a pris tous les traits.
« Si pour contempler l’homme on quitte la nature,
« L’énigme déplacée en devient plus obscure.
« Et ma multiple forme, au sourire moqueur,
« Est moins inexplicable encor que votre cœur,
« Que ce cœur inconstant, mystère qui vous lasse,
« Tantôt flamme ondoyante et tantôt roc de glace ;
« Fruit d’un ver sillonné, fleur douteuse du soir
« Qui parmi ses parfums laisse envoler l’espoir ;
« Phare aux reflets trompeurs ; sombre écueil sous la brume,
« Et que les passions couvrent de leur écume ;
« Autel changeant de dieux à chaque pas du temps ;
« Creuset où tout devient poussière en peu d’instants ;
« Mon regard étonné voit, s’il veut y descendre,
« S’évanouir dans l’air ce problème de cendre. » —