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Passait et repassait le vol de sa pensée ;
Et dans l’humide azur de ses deux grands yeux clairs,
De l’inspiration se baignaient les éclairs.
Roi que chez les mortels la muse lit élire,
L’or pur eût envié le bronze de sa lyre.
Le sarcasme partait de son sourire amer ;
Son génie en son sein, comme une ardente mer,
Amassait son orage, et l’harmonie ailée
Flottait dans les splendeurs de sa robe étoilée.

Il chantait…. Et de loin, accouraient les méchants
Pour se désaltérer à la source des chants ;
Et leur âme, un instant à sa tombe ravie,
Cherchait l’accord empreint des baumes de la vie.
Mais, ô sombre prodige ! ô symbole fatal !
Chaque image, étalant son luxe oriental,
Chaque puissante strophe en déployant son aile
Dans l’air volcanisé de la nuit éternelle,
Soudain prenait un corps venimeux et brûlant,
Se transformait en hydre, en céraste volant.
Et ces monstres impurs, créations funèbres,
Trompeurs enfants du jour rendus à leurs ténèbres,
Venaient heurter la lyre ou presser triomphants,
Les damnés curieux dans leurs plis étouffants.
Et les plus irrités réservaient leurs morsures
Pour un cœur plus fécond en immenses blessures,
Pour le cœur du poète aux penchants pervertis,
Abîme créateur dont ils étaient sortis.

Il m’aperçut… — Mortel, tu peux me reconnaître
A cette ample moisson d’hydres que je fais naître ;
Ma voix pour les enfers n’a pas changé d’accord.