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Dans le rêve insensé qu’aucun vœu n’épouvante,
J’ai cru, démence impie ! en prononçant son nom,
Rouvrir dans votre sein l’abîme du pardon.
J’ai cru vaincre, à genoux, un arrêt invincible.
Égarant la prière en un vol impossible,
J’ai cru voir sous mes pleurs refleurir pour le ciel
(Ainsi qu’Abbadona sous les pleurs d’Abdiel).
Celui que j’aime encore, et que le monde en cendre,
Quand je montais vers vous, ô mon Dieu, vit descendre,
Pardonnez-moi ; je suis l’ouvrage de vos mains,
Et l’œil de votre amour veille à tous mes chemins.
Votre sagesse, ô Christ ! qu’en l’adorant j’atteste,
Protège de pitié mon délire céleste.
Mais pourquoi ces regrets, ce deuil, cette langueur,
Fardeau que seule ici j’ai gardé sur mon cœur !
Autrefois, si parmi les enfants de la terre,
La douleur, ô mon Dieu ! fut un si grand mystère,
Oh ! combien ce secret revit plus étonnant
Dans l’ineffable paix du séjour rayonnant !
Pourquoi dans l’hymne saint des chants presque funèbres ?
Pourquoi mon auréole a-t-elle ses ténèbres ? .
Pourquoi mes souvenirs, ô mon maître, et pourquoi
L’univers, mort pour tous, n’est-il pas mort pour moi ?
A quel bonheur sans nom osai-je donc prétendre ?
Lorsque j’ai tout reçu, Seigneur, que puis-je attendre ?
Je pleure, et dans mon sein ne sont pas attiédis
Mes regrets, tout baignés de l’air du Paradis.
Si du terrestre Éden vous exilâtes Eve,
Mon délire est pour moi l’archange armé du glaive ;
Des éclatants parvis il m’exile à mon tour ;
Il prive de lumière une fille du jour.
Je perds la belle fleur de la vie éternelle