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Le socialisme est une philosophie de l’histoire des institutions contemporaines, et Marx a toujours raisonné en philosophe de l’histoire quand des polémiques personnelles ne l’ont pas entraîné à écrire en dehors des lois de son système.

Le socialiste imagine donc qu’il a été transporté dans un avenir très lointain, en sorte qu’il puisse considérer les événements actuels comme des éléments d’un long développement écoulé et qu’il puisse leur attribuer la couleur qu’ils seront susceptibles d’avoir pour un philosophe futur. Un tel procédé suppose certainement qu’une part très large soit faite aux hypothèses ; mais il n’y a point de philosophie sociale, point de considération sur l’évolution et même point d’action importante dans le présent, sans certaines hypothèses sur l’avenir. Cette étude a pour objet d’approfondir la connaissance des mœurs et non de discuter sur les mérites ou les fautes des personnages marquants ; il faut chercher comment se groupent les sentiments qui dominent dans les masses ; les raisonnements que peuvent faire les moralistes sur les motifs des actions accomplies par les hommes de premier plan et les analyses psychologiques des caractères sont donc fort secondaires ou même tout à fait négligeables.

Il semble cependant qu’il soit plus difficile de raisonner de cette manière quand il s’agit d’actes de violence que dans les autres circonstances. Cela tient à ce que nous avons été habitués à regarder le complot comme étant le type de la violence ou comme une anticipation d’une révolution ; nous sommes ainsi amenés à nous demander si certains actes criminels ne pourraient pas devenir héroïques, ou du moins méritoires, en raison