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rôle actif » et être seulement révolutionnaires en paroles.

Je comprends que ce mythe de la grève générale froisse beaucoup de gens sages à cause de son caractère d’infinité ; le monde actuel est très porté à revenir aux opinions des Anciens et à subordonner la morale à la bonne marche des affaires publiques, ce qui conduit à placer la vertu dans un juste milieu. Tant que le socialisme demeure une doctrine entièrement exposée en paroles, il est très facile de le faire dévier vers un juste milieu ; mais cette transformation est manifestement impossible quand on introduit le mythe de la grève générale, qui comporte une révolution absolue. Vous savez, aussi bien que moi, que ce qu’il y a de meilleur dans la conscience moderne est le tourment de l’infini ; vous n’êtes point du nombre de ceux qui regardent comme d’heureuses trouvailles les procédés au moyen desquels on peut tromper ses lecteurs par des mots. C’est pourquoi vous ne me condamnerez point pour avoir attaché un si grand prix à un mythe qui donne au socialisme une valeur morale si haute et une si grande loyauté. Bien des gens ne chercheraient pas dispute à la théorie des mythes si ceux-ci n’avaient des conséquences si belles.


IV


L’esprit de l’homme est ainsi fait qu’il ne sait point se contenter de constatations et qu’il veut comprendre la raison des choses ; je me demande donc s’il ne conviendrait pas de chercher à approfondir cette théorie des mythes, en utilisant les lumières que nous devons à la