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qu’il n’y a pas là une raison sérieuse pour faire agir un homme.

On peut supposer que l’université a arrangé les programmes actuels dans l’espoir d’imposer la pratique morale aux élèves par le mécanisme de la répétition des préceptes ; elle multiplie à ce point les cours de morale, qu’on peut se demander s’il ne faudrait pas ici appliquer (avec une légère correction) le vers connu de Boileau :

Aimez-vous la muscade ? On en a mis partout.

Je crois que peu nombreux sont les gens qui ont la confiance naïve de F. Buisson et des universitaires dans leur morale. G. De Molinari estime, tout comme Combes, qu’il faut avoir recours à la religion, qui promet aux hommes une récompense dans l’autre monde et qui est ainsi « l’assureuse de la justice… C’est la religion qui, dans l’enfance de l’humanité, a élevé l’édifice de la morale ; c’est elle qui le soutint et qui peut seule le soutenir. Telles sont les fonctions qu’a remplies et que continue à remplir la religion, et qui, n’en déplaise aux apôtres de la morale indépendante, constituent son utilité »[1] . — « C’est à un véhicule plus puissant et plus actif que l’intérêt de la société qu’il faut avoir recours pour opérer les réformes dont l’économie politique démontre la nécessité, et ce véhicule on ne peut le trouver que dans le sentiment religieux associé au sentiment de la justice.[2] »

G. De Molinari s’exprime en termes volontairement vagues ; il semble considérer la religion comme font beau-

  1. G. de Molinari, Science et religion. p. 94.
  2. G. de Molinari, op. cit., p. 198.