Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/234

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bouleversements[1]. Les financiers socialistes n’ont pas lu Tocqueville, mais ils comprennent, d’instinct, que la conservation d’un État bien centralisé, bien autoritaire, bien démocratique, offre d’immenses ressources pour eux et les met à l’abri de la révolution prolétarienne. Les transformations que pourront réaliser leurs amis, les socialistes parlementaires, seront toujours assez limitées, et il sera toujours possible, grâce à l’État, de corriger les imprudences commises.

La grève générale des syndicalistes éloigne du socialisme les financiers en quête d’aventures ; la grève politique leur sourit assez, parce qu’elle serait faite dans des circonstances propices au pouvoir des politiciens — et par suite aux opérations de leurs alliés de la finance[2].

Marx suppose, tout comme les syndicalistes, que la révolution sera absolue et irréformable, parce qu’elle aura

  1. Tocqueville, L’Ancien Régime et la Révolution, p. 330.
  2. Dans l’Avant-Garde du 29 octobre 1905, on lit un rapport de Lucien Rolland au Conseil national du parti socialiste unifié sur l’élection de Louis Dreyfus, spéculateur en grains et actionnaire de l’Humanité, à Florac. « J’eus l’immense douleur. dit Rolland, d’entendre un des rois de l’époque se réclamer de notre Internationale, de notre rouge drapeau, de nos principes, crier : Vive la République sociale ! » Les personnes qui ne connaîtront cette élection que par le rapport officiel publié dans le Socialiste du 28 octobre 1905, en auront une idée singulièrement fausse. Se défier des documents officiels socialistes. Je ne crois pas que, durant l’affaire Dreyfus, les amis de l’État-major aient Jamais tant maquillé la vérité que le firent les socialistes officiels en cette occasion.