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soit assuré dans cette fusion de neutraliser les unes par les autres toutes les idées préconçues et prématurés que les observateurs ont pu déposer, à leur insu, au fond de leurs observations. Alors seulement se dégage la matérialité brutes des faits connus ». On parvient enfin à ce que Bergson nomme une expérience intégrale[1].

Grâce au nouveau principe, on arriva bien vite à reconnaître que toutes les affirmations dans le cercle desquelles on avait prétendu enfermer le socialisme, sont d’une déplorable insuffisance ou qu’elles sont souvent plus dangereuses qu’utiles. C’est le respect superstitieux voué par la social-démocratie à la scolastique de ses doctrines qui a rendu stériles tous les efforts tentés en Allemagne en vue de perfectionner le marxisme.

Lorsque la nouvelle école eut acquis une pleine intelligence de la grève générale et qu’elle eut ainsi atteint la profonde intuition du mouvement ouvrier, elle reconnut que toutes les thèses socialistes possédaient une clarté qui leur avait manqué jusque là, dès qu’on les interprétait en évoquant à leur aide cette grande construction ; elle s’aperçut que l’appareil lourd et fragile que l’on avait fabriqué en Allemagne pour expliquer les doctrines de Marx, était à rejeter si l’on voulait suivre exactement les transformations contemporaines de l’idée prolétarienne ; elle découvrit que la notion de la grève générale mettait en mesure d’explorer avec fruit tout le vaste domaine du marxisme, qui était resté jusque là à peu près inconnu aux pontifes qui prétendaient régenter

  1. Bergson, loc. cit., pp. 24-25.