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cette loi terroriste célèbre, la plus forte expression de la doctrine de l’État[1].

La philosophie du xviiie siècle était venue renforcer encore ces tendances ; elle prétendait, en effet, formuler un retour au droit naturel ; l’humanité avait été, jusqu’alors, corrompue, par la faute d’un petit nombre de gens qui avaient eu intérêt à la duper ; mais on avait enfin découvert le moyen de revenir aux principes de bonté primitive, de vérité et de justice ; toute opposition à une réforme si belle, si facile à appliquer et d’un succès si certain, était l’acte le plus criminel que l’on pût imaginer ; les novateurs étaient résolus à se montrer inexorables pour détruire l’influence néfaste que des mauvais citoyens pouvaient exercer en vue d’empêcher la régénération de l’humanité. L’indulgence était une faiblesse coupable, car elle ne tendait à rien moins qu’à sacrifier le bonheur des multitudes aux caprices de gens incorrigibles qui montraient un entêtement incompréhensible, refusaient de reconnaître l’évidence et ne vivaient que de mensonges.

De l’Inquisition à la justice politique de la royauté et de celle-ci aux tribunaux révolutionnaires, il y avait eu constamment progrès dans le sens de l’arbitraire des règles, de l’extension de la force et de l’amplification de l’autorité. L’Église avait eu, très longtemps, des doutes sur la valeur des procédures exceptionnelles que prati-

  1. Les détails mêmes de cette loi ne peuvent s’expliquer que par leur rapprochement avec les règles de l’ancien droit pénal.