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événements, l'explication des lois par l'histoire et l’explication de l'histoire par les mœurs. On voit procéder de lui toute l'école des historiens du droit, et toute celle des modernes philosophes de l’histoire. Guizot n'est pas de la filiation directe de Montesquieu ; mais, quoique le plus indépendant et le plus original des disciples, il l'est cependant de l'auteur de l'Esprit des lois. Il lui a succédé, durant la première moitié de notre siècle, dans le rôle d’initiateur et d’instituteur de la science historique, « Il a, dit Augustin Thierry, ouvert, comme historien de nos vieilles institutions, l’ère de la science proprement dite ; avant lui, Montesquieu seul excepté, il n’y avait eu que des systèmes. » Guizot applique à l’histoire l’idée du progrès que Montesquieu a pressentie sans la concevoir ; Turgot et Condorcet l’ont dégagée ; Guizot en fait l’esprit même de la civilisation, qu’il définit « le perfectionnement de la société et de l’humanité » ; elle forme la trame de l’histoire, telle qu’il la déroule avec une admirable ampleur dans ses leçons de 1828.

Mme de Staël avait été une des premières à retenir cette conception de la perfectibilité. Elle l’avait unie à beaucoup de pensées tirées de l'Esprit des lois, dans son écrit sur l'Influence des passions. Elle reprit cette idée dans son livre de l'Allemagne. Elle l’exposa avec une chaleur d’âme et une sorte d’enthousiasme religieux qui manquaient à l’humanité trop sèche et trop raisonnée de Montesquieu. Son dernier ouvrage et le plus fortement conçu, les Considérations sur la Révo-