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les républiques, doit se terminer comme dans les monarchies. « Sitôt, avait-il dit, que l’armée dépendra uniquement du corps législatif, le gouvernement deviendra militaire. » Il avait écrit cette phrase étrange, à une époque où les capitaines manquaient tellement à la France qu’il avait fallu chercher un grand mercenaire, le maréchal de Saxe, pour tenir l’épée du roi : « La France se perdra par les gens de guerre. » Le Danemark lui avait suggéré cette pensée qui s’applique si exactement à la France de 1804 : « Il n’y a pas d’autorité plus absolue que celle du prince qui succède à la république : car il se trouve avoir toute la puissance du peuple, qui n’avait pu se limiter lui-même. »

Le chapitre sur la politique des Romains dans la conquête contient, en substance, toute la politique de Bonaparte. C’est justement parce qu’il était tout Romain et tout classique dans son génie, que le Premier Consul comprit si bien les Français de son siècle, et les persuada si aisément qu’en obéissant à ses volontés, ils exerçaient encore leur souveraineté. Il y avait certainement des réminiscences d’Alexandre, et probablement de l’Alexandre de Montesquieu, dans les merveilleuses rêveries que le général en chef de l’armée d’Italie caressait à Ancône, et qui l’emportaient vers la Grèce et vers l’Orient. On reconnaît plus d’un trait du Charlemagne de l’Esprit des lois dans la vision colossale que Napoléon se faisait de cet empereur et qui hanta constamment son imagination après le consulat.