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plaie de petites fleurs. C’est de lui pourtant cette belle parole qui corrige bien des épigrammes : « Le genre humain avait perdu ses titres, M. de Montesquieu les a retrouvés et les lui a rendus. »

Ce que Voltaire goûta le plus dans l'Esprit des lois, c’est l’opposition que ce livre souleva de la part du clergé. Les jésuites le condamnèrent, en y mettant des formes, dans le Journal de Trévoux ; les jansénistes l’attaquèrent avec acrimonie, dans les Nouvelles ecclésiastiques, aux mois d’avril et d’octobre 1749. Les uns et les autres entreprirent Montesquieu sur le Spinozisme, sur les climats, sur les stoïciens, sur le suicide, sur Montezuma, sur la polygamie, sur le divorce et sur Julien l’Apostat. Mais ce n’étaient que leurs escarmouches d’avant-postes. Ils portèrent le fort de leur polémique sur le chapitre de la religion, qui était, de leur côté, le faible de la place, et sur celui de la tolérance, où Montesquieu avait lui-même ouvert la brèche. Montesquieu, disaient-ils, considère toutes les religions comme des choses de police ; il ne distingue point la véritable, qui a tous les droits, des fausses, qui n’en ont aucun. Ils le notèrent d’impiété et le convainquirent de contradictions. « Les parenthèses que l’auteur met pour nous dire qu’il est chrétien, écrivait le Nouvelliste, sont de faibles garants de sa catholicité. L’auteur rirait de notre simplicité si nous le prenions pour ce qu’il n’est pas. » Montesquieu inclinait à tolérer les huguenots en France et à interdire les missions en Chine, c’était précisément le contraire de ce que