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NÉOPTOLÈME.

Je ne sais, dans mon embarras, quel tour donner à ce que j’ai à dire.

PHILOCTÈTE.

Toi, dans l’embarras ? ne parle pas ainsi, mon fils !

NÉOPTOLÈME.

Et pourtant c’est précisément la situation pénible où je me trouve.

PHILOCTÈTE.

Ce n’est pas sans doute ma f$acheuse maladie qui t’a dissuadé de m’emmener désormais sur ton navire ?

NÉOPTOLÈME.

Tout est fâcheux à celui qui dément son naturel, pour faire une action indigne de son caractère.

PHILOCTÈTE.

Mais tu ne fais ni ne dis rien d’indigne de ton père, en venant au secours d’un homme de bien.

NÉOPTOLÈME.

Je serai déshonoré ; voilà ce qui me tourmente depuis longtemps.

PHILOCTÈTE.

Ce ne sera pas assurément pour tes actions ; mais pour tes discours, je le crains.

NÉOPTOLÈME.

Jupiter ! que faire ? Me rendrai-je coupable une seconde fois[1], et en taisant la vérité[2] et en disant d’indignes mensonges ?

PHILOCTÈTE.

Cet homme, si mon propre jugement ne m’abuse, veut me trahir, et paraît vouloir m’abandonner, en partant sans moi.

NÉOPTOLÈME.

Non, je ne t’abandonnerai pas ; mais je crains plutôt

  1. Allusion au premier récit mensonger par lequel il a capté la bienveillance de Philoctète. Voir vers 343-390.
  2. Littéralement : « ce qu’on ne doit pas taire. »