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du jour[1], tu as enfin brillé sur les eaux de Dircé[2], tu as fait fuir d’une fuite précipitée le mortel[3] au bouclier blanc[4], parti d’Argos armé de toutes pièces ; lui qui, suscité contre notre patrie par la querelle indécise de Polynice, a fondu sur notre contrée, en poussant des cris aigus, tel que l’aigle couvert de ses ailes blanches comme la neige, entraînant de nombreux guerriers armés de casques à la crinière ondoyante.

{Antistrophe 1.) Il dominait sur nos murs, il enveloppait d’un cercle de lances altérées de carnage l’ouverture de nos sept portes ; mais il a fui, avant d’avoir assouvi sa fureur dans notre sang, et avant que le feu des torches de sapin n’eût atteint les tours qui couronnent notre ville, tant fut terrible le tumulte guerrier qui éclata derrière lui, attaque à laquelle ne put résister le dragon[5] ennemi ! Car Jupiter déteste la jactance d’une langue présomptueuse ; et, les voyant s’élancer comme un torrent, dédaignant le fracas de leurs armures d’or[6], des éclats de sa foudre il renverse le guerrier, qui déjà sur le sommet des remparts se préparait à pousser le cri de victoire.

{Strophe 2.) Il tombe précipité sur la terre retentissante, le guerrier qui portait la flamme[7], et qui tout à l’heure, ivre de fureur, ne respirant que la haine, exhalait contre Thèbes le souffle ardent de sa colère. Sur

  1. Dans Iphigénie en Tauride,v. 193, le soleil est appelé ἕδρας ὄμμα αὐγᾶς. dans les Nuées, 256, œil de l’Éther. Ovide, Métam. III, 531, Mundi oculus. La lune aussi, Sept contre Thèbes, 375, œil de la nuit. Perses, 4, et l’œil de la nuit noire : Phéniciennes, 346, γυχτὸς άφεγγἑς βλέψαρος.
  2. Dircé, fontaine et rivière de Thèbes : il parait qu’elles étaient à l’orient de la ville.
  3. Adraste, roi d’Argos, personnification de l’armée dont il était le chef.
  4. λεύκασπις: cette épithète, déjà appliquée par Eschyle (Sept contre Thèbes, v. 89) à l’armée argienne, fut encore employée de même par Euripide (Phœniss., 1106).
  5. Le dragon était l’emblème de Polynice comme celui des Thébains.
  6. J’adopte, avec Dindurf, la leçon d’Hermann : χρυΊοῦ Χαναχῆς ύπεροπτας.
  7. Ici, comme à la fin de l’antistrophe précédente, il s’agit de Capanée, qui, dans Eschyle (Sept contre Thèbes, v. 438), a pour emblème, sur son bouclier, un homme nu, portant une torche allumée.