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LE GOUVERNEUR.

Quand tout sera fini, je te le dirai ; mais jusqu’ici tout va bien, même ce qu’ils font de mal[1].

ÉLECTRE.

Quel est cet homme, mon frère ? au nom des dieux, dis-le-moi.

ORESTE.

Ne le reconnais-tu pas ?

ÉLECTRE.

Je n’en ai même pas l’idée.

ORESTE.

Ne sais-tu pas en quelles mains tu me remis autrefois ?

ÉLECTRE.

À qui ? Que veux-tu dire ?

ORESTE.

Celui qui, par tes soins, me porta secrètement dans le pays des Phocéens.

ÉLECTRE.

Est-ce donc cet homme que, seul entre tous, je trouvai fidèle, quand on égorgeait mon père ?

ORESTE.

C’est lui-même ; ne me fais pas de plus longues questions.

ÉLECTRE.

O jour de bonheur ! ô unique sauveur de la race d’Agamemnon, te voilà de retour ! Tu es donc celui qui nous a l’un et l’autre sauvés de tant de maux ? O mains chéries, ô toi dont les pieds nous ont prêté un si heureux ministère[2], pourquoi m’as-tu si longtemps caché ta présence ? pourquoi, au lieu de te révéler à moi, me donnais-tu la mort par tes paroles, quand tu pouvais me combler de joie ? Salut, ô mon père ; car je crois voir le mien ; salut :

  1. C’est-à-dire, même la joie coupable de Clytemnestre, causée par la mort de son fils, et la sécurité qu’elle en conçoit.
  2. Pindare, Olympiq. XI, v. 25, a suivi une autre tradition. Selon lui, ce fut Arsinoé, nourrice d’Oreste, qui, pendant le meurtre de son père, le déroba par ruse aux mains de Clytemnestre.