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CHRYSOTHÉMIS.

Tu sembles ne tenir nul compte de ce que je dis.

ÉLECTRE.

Ma résolution est prise , et ce n’est pas d’aujourd’hui.

CHRYSOTHÉMIS.

Je me retire donc, puisque tu ne saurais approuver mon langage, ni moi ta conduite.

ÉLECTRE.

Eh bien ! rentre. Je n’aurai plus de commerce avec toi, quelles que puissent être tes instances ; car c’est une grande folie de poursuivre ce qui n’existe pas.

CHRYSOTHÉMIS.

Si tu crois avoir la raison pour toi, persiste dans tes idées ; mais quand tu seras tombée dans le malheur, tu approuveras mes paroles.

(Elle sort.)



LE CHŒUR.

(Strophe 1.) Quoi ! nous voyons dans les airs les oiseaux les plus sages[1] s’empresser de nourrir ceux dont ils ont reçu la vie et les conseils paternels ; pourquoi n’imitons-nous pas leur exemple ? Mais j’en atteste les foudres de Jupiter et la céleste Justice, les ingrats ne seront pas longtemps impunis. O Renommée ! toi qui pénètres dans les entrailles de la terre, fais entendre une voix lamentable aux malheureux Atrides qui habitent les enfers, et raconte-leur de tristes opprobres.

(Antistrophe 1.) Dis-leur que leur maison est en proie à l’affliction[2] et que leurs filles, divisées par des passions contraires, ne vivent plus dans l’union fraternelle. Seule et délaissée, Électre, battue par la tempête[3], gémit sans

  1. Tradition populaire sur la piété filiale des cigognes. Voir les Oiseaux d’Aristophane, v. 1 353 et suivants ; Aristote, Hist. des animaux, IX, ch. 13 ; Élien , Hist. nat., III, ch. 23 : X, ch. 16. Euripide a dit la même chose des cygnes, dans les Bacchantes, v. 1 364, et dans Électre, v. 151.
  2. Causée par la nouvelle de la mort d’Oreste.
  3. Σαλεύει, expression employée par Sophocle aussi, dans Œdipe roi, v. 23.