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ŒDIPE À COLONE


À Colone, — dème où naquit Sophocle, — près du monticule où sont enterrés aujourd’hui O. Müller et Ch. Lenormant, à dix stades au N. N. O. d’Athènes. Solitude. Un chemin longe un bois touffu consacré aux Euménides. Sur la lisière émerge un rocher, près duquel se dresse la statue de Colonos, héros éponyme du dème. Arrive Œdipe. Il est vieux, aveugle, misérable, et pourtant d’une majesté surhumaine. Sa fille Antigone, pieds nus, le mène par la main.


Œdipe. — Enfant d’un vieillard aveugle, Antigone, dans quel pays sommes-nous arrivés, dans quelle cité ? Qui pour aujourd’hui accueillera l’errant Œdipe avec de faibles dons ? Il demande peu, il reçoit moins encore que ce qu’il demande, et pourtant cela me suffit. Mes souffrances, les longues années que j’ai vécues et aussi la force de mon âme m’apprennent la résignation[1]. Allons, mon enfant, si tu vois quelque endroit où l’on puisse s’asseoir en un lieu profane ou près des bois consacrés aux dieux, arrête-moi et fais-moi reposer pour que nous apprenions où nous pouvons être. Nous sommes des étrangers en ce pays : aux habitants de nous instruire et à nous de faire ce qu’ils nous auront dit.

Antigone. — Père infortuné, Œdipe, si je ne me trompe, je vois des tours dans le lointain : elles protègent une ville. Ce lieu-ci, j’en suis certaine, est un lieu sacré, car il est couvert de lauriers, d’oliviers, de vignes, et à l’intérieur, sous le feuillage, nombreux chantent des rossignols. Ici,

  1. Comparer le début de l’O. R. C’est le même personnage qui ouvre le drame, mais il est tout autre. Sophocle a soin de le marquer.