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sont souvent d’une prétention et d’une naïveté puériles. Son génie consistait à observer et à peindre les sentiments et les passions des individus. Cela, il le faisait avec une pénétration et une adresse merveilleuses, mais instinctives. Tolstoï était tout instinct, tout caprice ; tandis que Soloviev soumettait aux règles de la logique, de la science et de la foi ses plus vives aspirations. Pendant quelque temps, l’un et l’autre avaient semblé unis pour le même combat en faveur de la liberté, de la justice et de la charité – (je dois rappeler ici que Soloviev se montra toujours radicalement opposé à la peine de mort) – ; mais, assez vite, Tolstoï s’enfonça dans les voies de l’impiété et de l’anarchie ; et, alors, l’hostilité des deux grands écrivains russes devint inévitable et sans remède. Il y avait eu, entre eux, des relations personnelles, dans lesquelles Soloviev s’était efforcé d’introduire de l’amitié. Tolstoï, passionnément désireux de faire le prophète, ne supportait la contradiction que lorsqu’elle venait d’hommes qui ne pouvaient lui porter ombrage. Soloviev dut prendre le parti de le contredire et, entre autres exemples, à maint endroit du gros volume intitulé la Justification du Bien, mais sans nommer