Page:Soloviev - Trois entretiens sur la guerre, la morale et la religion, trad Tavernier, 1916.djvu/89

Cette page n’a pas encore été corrigée

même, vaste et complète, qu’il possédait pleinement et qui lui assurait le don et le sens de l’équilibre.

C’est tout à fait l’opposé de ce qui se remarquait chez Léon Tolstoï, dont il fut toujours, et de plus en plus, l’adversaire. Ces deux génies, si différents d’allure et de nature, se rencontraient, et se heurtaient, sur le terrain de la morale, comme de la religion. Le célèbre romancier, on le sait, avait au suprême degré la prétention d’être un moraliste et même le plus grand des moralistes En réalité, il n’y entendait rien. Ce qu’il comprenait ou croyait comprendre, il le saisissait par un instinct fantaisiste, aveugle, emporté, à la fois obstiné et mobile. Tolstoï était à peu près incapable d’une argumentation digne de ce nom. En outre, il ne possédait qu’une science confuse et vulgaire. Soloviev, au contraire, personnifiait la pensée méthodique, équilibrée jusque dans les efforts les plus ardents et les plus audacieux, habituée à utiliser les ressources d’un savoir immense. Tolstoï, qui invoquait si souvent l’autorité du Christ, manquait complètement de foi chrétienne et n’en avait ni la notion, ni le sens, ni le goût. Ses commentaires sur l’Évangile, et aussi sur la morale,