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Il y aurait de quoi remplir un volume avec des historiettes de ce genre. La plupart montrent en entier le personnage : son mépris des choses vulgaires, sa passion pour les choses intellectuelles et morales, son immense bonté, son imprévoyance, sa délicatesse, son esprit et son humilité. Il ne supportait point d’être traité comme un homme supérieur. Il disait, il m’a dit à moi-même, qu’on ne vaut véritablement que par la droiture et par la bonté. C’était sa règle constante, sans distinction de temps ou de lieu. À Paris, Soloviev était tel qu’à Petrograd et à Moscou. Il employait à des amabilités et à des générosités magnifiques l’argent qu’il avait gagné en travaillant plusieurs mois toute la nuit ; dispos et en train après d’incroyables excès de labeur ; menant de front la composition d’ouvrages philosophiques, de poésies, d’articles de revue, et se nourrissant de thé et de légumes. J’ai vu souvent ce myope, au risque de se faire écraser, traverser la rue afin de porter une large aumône à des mendiants, qu’il devinait plutôt qu’il ne les apercevait, et courir après eux pour leur dominer des pièces blanches ou de l’or. L’impression qu’il produisait est bien résumée par ces mots qu’une de