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heureusement ? Est-ce que vous auriez voulu la donner à un miséreux ? – Non, c’est un souvenir de mon père. Je ne l’aurais pas donnée ; mais ensuite, j’aurais eu un regret. – Après une longue course, toujours à pied par nécessité, et ses bottines étant devenues un instrument de torture, le pauvre philosophe rentre à l’hôtel, désolé, épuisé, anéanti, ne sachant que devenir. Plus de quoi se payer une voiture. – Mais, mon cher Vladimir Serguiévitch, vous n’aviez qu’à venir chez moi en voiture et dire à mon concierge de payer le cocher. – Alors, avec un rire éclatant, Soloviev de s’écrier : – Comme c’est simple ! Et je n’y ai pas pensé ! Il est vrai que je n’ai rien mangé depuis ce matin. – Alors, allons dîner, ou plus exactement souper, à l’heure qu’il est. Je vous régalerai du céleri que vous aimez tant. – Mon cher, ce serait parfait si j’avais encore mes vieilles bottines. Ces maudites-là me font mal. D’ailleurs, peu importe, je vais en venir à bout. – Sautant du divan, il prend un canif, et aux endroits où elles le gênaient trop, fend les bottines toutes neuves. Ensuite il va dîner et charme tous les convives par son aimable et fantastique gaîté. Il fut tout le temps plein de verve…