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irrité les personnes par lesquelles il s’est fait attendre si longtemps. Velitchko lui ayant assuré qu’on ne lui en veut pas du tout, mais qu’on est inquiet, le voilà soulagé, réconforté, réjoui. Il avait eu pendant la journée une série de mésaventures, toute une épopée tragi-comique, qu’il raconta aussitôt. Il était sorti de bonne heure pour faire des courses, et d’abord acheter des bottines. Dans le magasin, le choix est long. On ne trouve pas la pointure qu’il faut. Il s’aperçoit que le commis se désole de ce remue-ménage inutile. Désolé à son tour, il prend au hasard une paire de belles bottines et les chausse tout de suite, puisque, le soir, il doit aller dans le monde. Les vieilles bottines, il les enveloppe d’un papier et les emporte sous le bras. Par économie (il ne lui restait que quelques roubles) et aussi pour élargir les bottines neuves, qui sont trop étroites, il s’en va à pied dans Vasili Ostrov, à l’imprimerie Stassulevitch, où s’imprime un de ses livres. En route, il rencontre coup sur coup des mendiants, auxquels il distribue ses derniers roubles, sa bourse, son portefeuille vide, son mouchoir de poche, et les vieilles bottines. – Heureusement, je n’avais pas ma montre, ajoute-t-il avec un soupir. – Pourquoi