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Il se nourrissait de thé et de légumes ; mais aux amis qui venaient le voir, ou qu’il invitait, il offrait les plats et les vins les plus coûteux. On le grondait sans le fâcher, ni, bien entendu, sans réussir à le corriger. Les complications dans lesquelles il se débattait étaient oubliées par lui, dès qu’il avait l’occasion de faire plaisir à quelqu’un. Là-dessus, ses biographes russes ont recueilli un grand nombre d’anecdotes.

J’emprunte à Velitchko le récit de la suivante. Un soir, chez Velitchko, tout un cercle d’amis attendait Soloviev pour dîner, à six heures. Sept heures, sept heures et demie avaient sonné sans que celui-ci eût encore paru. La physionomie des convives s’allonge, la cuisinière fulmine, la maîtresse de maison est sur le point de pleurer. Serait-il arrivé un accident ? Velitchko part en recherche, naturellement d’abord vers l’Hôtel de l’Europe, où loge Soloviev, au cinquième étage. Le grand philosophe est chez lui, sain et sauf physiquement, mais dans quel désarroi !… Plié sur un divan, les pieds plus haut que la tête, plus pâle que d’ordinaire, les yeux à demi fermés. Il sort de sa torpeur pour dire qu’il a une horrible crainte d’avoir offensé et