Page:Soloviev - Trois entretiens sur la guerre, la morale et la religion, trad Tavernier, 1916.djvu/33

Cette page n’a pas encore été corrigée

avoir affaire à trois fous et faillit lâcher le plat ! À la fin du dîner, je me rappelai ce détail et le signalai à Soloviev, qui en ressentit une gaîté éclatante. Si, au lieu d’être un convive, notre philosophe eut été l’amphitryon, il aurait certainement triplé ou décuplé le pourboire. Car telle était sa manière.

En fait de générosité, il dépassait non pas seulement toutes les limites, mais encore toutes les invraisemblances. Il donnait tout ce qu’il avait : son argent et son travail. Pour lui, l’argent n’avait de valeur que par la joie qu’on se procure en le distribuant, autant que possible, à pleines mains. Le modeste patrimoine qui lui était venu de sa famille avait fondu bientôt sous le soleil d’une charité sans mesure. Les profits qu’il retirait de son labeur acharné avaient continuellement le même sort. Depuis que les rigueurs administratives le tenaient écarté du professorat, Soloviev vivait de sa plume. En composant ses livres, il collaborait à des revues philosophiques et littéraires (notamment les Questions de philosophie et de psychologie ; le Messager de l’Europe ; la Semaine, etc.), au grand dictionnaire encyclopédique Brockhaus-Ephron, dont il rédigea presque toute la partie philosophique ;