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pape Pierre et du père Jean. À cette heure, la rue était entièrement déserte. Tous les habitants se trouvaient à Kharam-ech-Cherif. Les soldats chargés de monter la garde dormaient d’un profond sommeil. Les arrivants constatèrent que les corps n’étaient nullement décomposés ni même engourdis. Les ayant placés sur des civières et les ayant recouverts de manteaux qu’ils avaient apportés, ils revinrent, par les mêmes rues détournées, près de leurs frères. À peine avaient-ils déposé les civières sur le sol, que l’esprit de vie reprit possession des deux morts. Ceux-ci se mirent à s’agiter, s’efforçant de se débarrasser des manteaux qui les enveloppaient. Tous les aidèrent, avec des cris de joie ; et bientôt les deux ressuscités étaient debout, entiers et intacts. Et le père Jean parla en ces termes : « Ainsi donc, chers enfants, nous ne nous sommes pas quittés. Et voici ce que je vous dis maintenant : –L’heure est venue d’accomplir la dernière prière que le Christ a faite pour ses disciples ; qu’ils soient un, comme Lui-même avec le Père est un. En vue de cette unité chrétienne, chers enfants, vénérons notre bien-aimé frère Pierre. Qu’il paisse les dernières brebis du Christ ! Frère, qu’il soit fait ainsi ! » Et il embrassa Pierre. Le professeur Pauli s’avança alors : « Tu es Petrus », dit-il au pape : « Jetzt ist es ja gründlich erwiesen und ausser jedem Zweifel gesetzt. »

De la main droite il lui serra fortement la main et tendit l’autre au père Jean, en disant : « So also Väterchen, nun sind wir ja Eins in Christo. » Ainsi s’accomplit l’union des Églises, dans l’obscurité de la nuit, sur une hauteur isolée. Mais, tout à coup, l’obscurité