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ses yeux, dont les regards étaient concentrés, étincelaient, et ses lèvres remuaient. Par les fenêtres ouvertes du temple, on voyait s’approcher un énorme nuage noir. Rapidement l’obscurité se répandit. Le père Jean, qui, de ses yeux étonnés et effrayés, n’avait pas quitté le visage de l’empereur muet, sursauta soudain d’épouvante et, se détournant, s’écria d’une voix étranglée : « Enfants, c’est l’Antéchrist ! » Dans le temple éclata un formidable coup de foudre, accompagné d’un éclair circulaire qui enveloppa le vieillard. Pendant un instant, la stupeur fut complète. Quand les chrétiens sortirent de l’étourdissement, le père Jean gisait par terre, sans vie.

L’empereur, blême mais demeurant calme, interpella le concile : « Vous avez vu le jugement de Dieu. Je ne souhaitais la mort de personne ; mais mon Père céleste venge son fils bien-aimé. La question est résolue. Qui osera entrer en contestation avec le Très-Haut ? Secrétaires, écrivez : – Le concile oecuménique de tous les chrétiens, après que le feu du ciel eut frappé un adversaire insensé de la majesté divine, unanimement reconnaît l’empereur actuel de Rome et de l’univers pour son chef et pour son maître suprême. » Soudain, un mot sonore et clair remplit le temple : « Contradicitur. » Le pape Pierre Il est debout et, tout tremblant de colère, le visage empourpré, il lève sa crosse dans la direction de l’empereur : « Notre maître unique, c’est Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant. Et ce que tu es, toi – tu viens de l’entendre. Retire-toi de nous, Caïn fratricide ! Arrière ! vase de Satan. Par l’autorité du Christ, moi, serviteur des serviteurs de