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dans le christianisme, c’est le Christ lui-même. Il est Lui-même, et tout vient de Lui, car nous savons qu’en Lui réside corporellement la plénitude de la Divinité. De toi, maître, nous sommes prêts à accepter tout bienfait, pourvu que, dans ta main généreuse, nous reconnaissions la sainte main du Christ. À ta question : que peux-tu faire pour nous, voici notre réponse sincère : – ici, maintenant, devant nous, confesse Jésus-Christ Fils de Dieu, qui s’est incarné, qui est ressuscité, qui viendra de nouveau – confesse-Le, et nous t’accueillerons avec amour, comme le véritable précurseur de son second et glorieux avènement. » Il se tut et fixa ses yeux sur les yeux de l’empereur. En celui-ci s’accomplissait quelque chose de mauvais. Au sein de son être s’élevait une tempête diabolique, comme celle qu’il avait subie dans la nuit fatale. Il perdait entièrement l’équilibre intérieur ; et toutes ses pensées se concentraient sur le désir de conserver les apparences de la possession de soi-même et de ne pas se dévoiler trop tôt. Il s’imposa des efforts surhumains pour se retenir de se jeter avec des cris sauvages sur l’homme qui venait de parler, et pour ne pas le déchirer à coups de dents. Soudain, il entendit la voix extra-terrestre qui lui était connue. Elle disait : « Tais-toi et ne crains rien. » Il garda le silence. Mais son visage, où passait l’ombre de la mort, devint tout convulsé ; et de ses yeux jaillirent des étincelles. Pendant que retentissaient les paroles du père Jean, le grand mage, qui siégeait, enveloppé tout entier dans son vaste manteau tricolore cachant la pourpre cardinalice, semblait occupé à quelque manipulation secrète ;