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il a senti comme si un flot mordant et glacé entrait en lui et remplissait tout son être. En même temps, il s’est senti animé d’une force, d’un courage, d’une agilité, d’un enthousiasme qu’il ne connaissait pas.

Et, tout de suite, subitement, la figure lumineuse et les deux yeux ont disparu, quelque chose ayant enlevé le sur-homme au-dessus de la terre et l’ayant descendu immédiatement dans son jardin, à la porte de sa maison.

Le lendemain, non, seulement les visiteurs mais aussi les domestiques du grand homme furent surpris de son aspect particulier, en quelque sorte inspiré. Ils auraient été plus surpris encore s’ils avaient pu le voir, enfermé dans son cabinet, écrivant avec une rapidité et une aisance surnaturelles son célèbre ouvrage intitulé : « La voie ouverte à la paix et à la prospérité universelles. »

Les livres précédents et l’action sociale du sur-homme avaient rencontré une critique sévère, quoique faite par des gens en grande majorité spécialement religieux et, pour ce motif, dépourvus de toute influence. (N’oublions pas que le temps dont je parle est celui de l’avènement de l’Antéchrist.) Aussi avait-on peu écouté ces critiques qui montraient dans tous les ouvrages et dans tous les discours de « l’homme qui vient » les signes de l’amour-propre et de la présomption intenses, absolument exceptionnels, en l’absence de vraie simplicité, de droiture et de cordialité véritables.

Mais son nouvel ouvrage séduisit même un certain nombre des gens qui précédemment avaient fait preuve d’hostilité. Écrit après l’aventure du précipice, il témoigne